La communication avec un tout-petit n’est pas simple. Avant qu’il ne sache parler, des incompréhensions donnent suite bien souvent à des colères que l’on peine à interpréter. Une approche récemment arrivée en France, « signer » avec bébé, propose une nouvelle forme de communication parent-enfant.

« Signer » avec les bébés est une méthode gestuelle d’apprentissage de l’expression et de la communication destinée aux enfants qui n’ont pas encore acquis le langage, à partir de 6 ou 8 mois. Inspiré de la Langue des Signes, ce concept existe depuis plus de 40 ans aux Etats-Unis et a fait son apparition en France en 2006, à l’initiative de Monica Companys, mère sourde de deux garçons entendants, et de Nathanaëlle Bouhier-Charles. Depuis, de nombreuses formatrices et associations proposent des ateliers à travers le pays : temps de rencontres autour de chansons, comptines, jeux et histoires adaptées avec des signes autour de thèmes de la vie quotidienne du bébé.

Comment ça marche ?

L’adulte qui s’adresse à l’enfant associe un geste aux mots les plus courants : oui, non, bonjour, merci, encore, faim, soif, sommeil… Par exemple, pour signer « encore », on tape deux fois avec les doigts d’une main au creux de l’autre main. Pour « Bonjour », on met la main devant la bouche, puis on l’écarte, comme pour saluer.

Petit à petit, l’enfant peut étendre son vocabulaire et se faire comprendre. Alors qu’il ne prononce que quelques mots ou sons, il est souvent capable de reproduire plusieurs signes.

Elsa témoigne que sa fille Adèle, à 9 mois, lui faisait comprendre « qu’elle voulait ENCORE de la compote, ou qu’elle avait envie d’un GÂTEAU. » Âgée aujourd’hui de 21 mois, elle utilise à la fois les mots et les gestes. « Je suis persuadée, poursuit sa mère, que certaines « colères » ou crises de larmes ont été évitées, simplement parce qu’elle arrivait à faire comprendre ses besoins. »

Qu’est-ce que ça apporte ?

Selon Jocelyne Bordrie, assistante maternelle et présidente de l’association « 1,2,3 éveil » en pays de Marennes-Oléron, le premier atout, c’est que l’adulte doit être pleinement attentif à son interlocuteur, le bébé : « on aborde la communication différemment à travers les signes : on ne peut pas lui tourner le dos ! Pendant que je signe, je le regarde en face et je prononce les mots avec soin. »

Monica Companys y voit un levier pour développer la confiance et l’estime de soi chez le tout-petit : « l’usage des signes de la vie quotidienne de la petite enfance instaure un cadre mental qui facilite l’intégration de mots dès que les cordes vocales du bébé sont suffisamment développées, d’influencer favorablement le développement cognitif, émotionnel et langagier. »

Certains parents craignent que « signer » puisse engendrer un attachement au geste. Carol Ricaud, animatrice bébés-signeurs, n’y croit pas : « Si on prend l’exemple des États-Unis qui ont un recul important, l’enfant abandonne naturellement les signes quand il parle. C’est un peu comme le quatre pattes que l’enfant délaisse spontanément lorsqu’il sait marcher. » Elle précise : « La zone de motricité de la main est proche de la zone du langage. Signer permet donc d’activer la zone du langage. »

Des orthophonistes se sont d’ailleurs emparés de la méthode pour travailler avec de jeunes enfants qui ne parlent pas ou peu. « Le langage signé est une porte d’entrée, qui permet d’enrichir la compréhension avant même l’expression, note Marjorie Dousset, orthophoniste. En outre, le geste canalise le regard du tout-petit et permet de développer sa capacité d’attention. » Elle ajoute : « Les signes structurent les syllabes. Par exemple, dans ‘gâ-teau’, on signe en tapant deux fois sur la joue. C’est une véritable aide à la construction du langage. »

Monica Companys nourrit un autre espoir : « En diffusant le concept des ateliers bébés signeurs, j’espère vulgariser les signes et que les parents d’enfants sourds ne se sentent pas à part. » Si les bébés oublient les signes en grandissant, peut-être les parents les auront-ils retenus ? Au moins, l’intérêt à cette langue aura-t-il été suscité.

Magali Lombardo, photo ©Audrey Chanonat

 

article du 7 janvier 2018 paru dans "L'enfant et la vie"